Une curiosité dans le registre des décès de Cherveix Cubas :
Inhumation de la femme Karmère en 1893
Cette pauvre vieille mère de 29 enfants était la femme d'un ambulant marchand de paniers. Elle était alsacienne et en cette qualité recevait chaque année son accueil au château de Badefols d'Ans. Elle avait manifesté plusieurs fois le souhait de mourir dans cette localité. La prière devait être exaucée, elle tomba frappée d'une attaque au moment où elle montait au château. Madame de Beauregard multiplia les soins d'une manière touchante: plaça auprès d'elle une garde, me fit appeler, la femme mourut peu après. Permis de transport fut accordé, tout en règle.
Les faits suivants se passent le 25 mai 1898. Il était convenu que l'Église devait aller chercher le corps à l'entrée du village à 2 heures de l'après midi. Tout était prêt, je partais à l'heure convenue quand le maire survint très excité disant que l'enterrement n'aurait pas lieu. Dans de longues explications, que cette femme étant indigente, devait être enterrée au lieu du décès. Pour donner un semblant de droit à cette réclamation il disait que l'enclos du cimetière était si petit qu'il devait être réservé aux seuls habitants du village. Il alléguait également l'indignation de la population causée par l'endroit où avait été creusée la fosse par le fossoyeur qui avait brisé une bière.
Je lui répondis que je n'étais pas responsable des bévues d'un fossoyeur, qu'il devait bien connaître son métier puisqu'il y avait 20 ans qu'il le faisait. Je signifiais très fermement au maire qu'il ne devait pas se laisser mener par une Coterie et ne pas manquer aux règles de la plus simple courtoisie en venant m'avertir au moment même de la cérémonie, attendu qu'il était averti de la veille. Je lui demandais de désigner lui même l'endroit où une nouvelle fosse serait ouverte, il ne voulait pas se déranger. Je lui dit alors de me déléguer les pouvoirs et fis creuser une nouvelle fosse.
Pendant ce temps, le public impatient se rendit au temple tandis que la foule des bigots et bigotes déclarait qu'elle ne laisserait pas pénétrer le corps dans le cimetière. Il fallut attendre que la fosse fut prête et pendant ce temps là nous prîmes nos dispositions. Le maire fut averti des intentions hostiles. Notre colporteur Mr Mazauric se tenait prêt à partir avec sa bicyclette pour aller chercher la gendarmerie en cas de besoin.
« Nous ferons ce que nous pourrons par nous-mêmes » dis-je à Mme de Beauregard, « je sais que vous avez du courage, veuillez je vous prie, marcher à la gauche du veuf, je serais à sa droite, nous marcherons en tête du cortège ». Mmes et Mrs de Védrine et de l'Ecluse voulurent marcher derrière nous, immédiatement avant la bière que la famille suivait. Le drap mortuaire, don de Madame de Beauregard, était couvert de fleurs. Sur la place de l'Église, des femmes dansaient pour exciter au combat, des hommes étaient postés devant la porte du cimetière qu'ils avaient fermée. Étendant fermement la main vers la porte du cimetière, je les sommais d'ouvrir: « Au nom de la Loi », Ils prirent peur et s'enfuirent aussi bien que les femmes qui allaient vociférer dans une maison voisine.
La cérémonie se termina au milieu du plus grand recueillement. Nos ennemis essayèrent une pétition qui n'eût aucun effet.
On a toujours de ces surprises en pays catholique, on croit tout paisible, illusion: l'ennemi n'attend que l'ombre d'une occasion pour y greffer une querelle.
C'est ainsi que Larie Becker âgée de 70 ans, née à Nancy, sans domicile fixe, fille de parents inconnus et épouse Karmère fut portée à sa dernière demeure le 25 mai 1898.
Copie du registre des décès établi par le pasteur Louis Galland, pasteur à Cherveix Cubas.
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